Depuis 2009, Jean-Marc Mormeck s'est fixé un nouveau défi: devenir champion du monde des poids lourds. Après avoir été à de multiples reprises titré dans la catégorie des lourds légers, Mormeck s'est donné comme ultime objectif de parvenir au plus prestigieux des sacres dans le sport roi. Pour cela, il devra d'abord se débarrasser de Timur Ibragimov, le 2 décembre prochain à la Halle Carpentier à Paris. En attendant, ce rendez-vous, Jean-Marc s'est changé les idées en nous parlant de son autre passion: le foot.
Chronofoot: A quand remonte votre premier souvenir de fan de foot ?
Jean-Marc Mormeck: J'étais gamin, c'était pendant les années 80. Avec le Brésil de Zico, de Falcao, de Docteur Socrates, ils avaient une telle maitrise du ballon, j'étais admiratif. C'est mon père qui m'a transmis cette passion. J'ai même joué au foot pendant 4 ans. Au départ, j'étais avant-centre, puis j'ai fini libéro, ça convenait mieux à mes qualités.
Quel est le match que vous garderez en mémoire toute votre vie ?
France - Allemagne 82. Cette reprise de volée de Marius Trésor, c'était génial. On pensait qu'on allait enfin se qualifier et puis en fin de compte non.
"J'aime l'OM"
Vous suivez toujours assidûment le foot ?
J'avoue que j'ai un peu lâché. Mais j'aime l'OM et je suis quand je peux. Mon père a toujours soutenu Marseille, j'ai pris la relève quand j'ai déménagé là-bas. Plus jeune, j'aimais aussi Nantes avec Burruchaga et José Touré.
Quelles sont les qualités du boxeur qu'on peut retrouver chez un footballeur ?
L'envie de se battre. Je me retrouve dans ces joueurs teigneux. Jean Tigana est un bon exemple. C'était un marathonien, il était constamment en train de monter et redescendre. Il se donnait à fond.
Les carrières de boxeurs et de footballeurs sont relativement courtes. Comment gérez-vous ce laps de temps si particulier ?
On pense pouvoir gérer sa carrière, le temps, etc. Mais en fait on ne gère pas du tout. Comme pour les footballeurs, il faut faire avec les blessures, qui sont plus ou moins graves. Chaque carrière est différente mais je dirais qu'en boxe ça dure un peu plus longtemps, surtout dans les grosses catégories comme les poids lourds.
Vous êtes plus proche de la fin que du début. Vous envisagez de rester dans le domaine de la boxe ou bien un poste dans le foot vous tenterait ?
Pourquoi pas sortir de la boxe ?! Mais ça me semble difficile. Il faut savoir rester dans ce qu'on sait faire, dans son domaine de maitrise. Je serai certainement promoteur, comme j'essaie de l'être en ce moment. J'y réfléchirai le moment donné.
Paradoxalement, les sportifs de haut niveau disent souvent qu'ils ont le plus beau métier du monde, mais ils sont heureux de prendre leur retraite. Comment l'expliquez-vous ?
C'est normal, on se dépense tellement tout le temps. On se donne à fond. Il faut que je me prépare trois mois avant pour un combat. Avec le temps tu raisonnes différemment. Quand tu as 15-16 tu ne penses pas à ta retraite mais à 38... Ça use ! A la fin tu as besoin de temps pour toi et ta famille, surtout vu tous les sacrifices que tu as fait.
Vous avez pratiqué un sport collectif et un sport individuel. Le plaisir est-il le même ?
C'est un choix et une véritable volonté de ma part. Et c'est peut-être aussi un peu le destin. Au début le foot me convenait très bien mais j'ai compris que je ne pourrais pas atteindre l'excellence car je n'en n'avais pas les capacités. Puis c'est aussi un peu égoïste. Quand tu es boxeur, tu as des gens autour qui ne s'occupe que de toi. Ils sont là uniquement pour moi... Et le défi ! J'aime me lancer des défis persos. C'est peut-être le secret de la réussite.
"Nous sommes les gladiateurs des temps modernes"
La victoire est plus belle quand on triomphe seul ?
Je suis seul sur le ring, mais il y a un tout un groupe autour de moi en dehors. En ce sens, c'est aussi un sport collectif. Ils sont là avant le combat, pendant je suis tout seul, et après le combat, ils sont de retour. Sauf qu'eux n'ont pas de bosses (rires).
La boxe offre un véritable show au moment de l'entrée des combattants. Parfois les footballeurs font de même dans les couloirs menant à la pelouse ou même sur le terrain. L'intimidation joue-t-elle vraiment un rôle important ?
Dans la boxe, ce spectacle est plus logique puisqu'on finit par se taper dessus à la fin. Mais c'est plus un défi qu'on se lance. Nous sommes les gladiateurs des temps modernes. On y va pour se battre, pour se faire mal. Mais c'est juste de l'intimidation. Pour certains joueurs, ça fait partie de leur état d'esprit. Ils ont besoin de ça pour se surpasser, mais la plupart du temps ce n'est pas méchant. C'est juste une manière d'être sur le moment.
Il vous arrive d'avoir peur de temps en temps ?
J'ai peur de ne pas réussir, de ne pas être à la hauteur, mais jamais de mon adversaire. Sinon je ne ferais pas ce métier.
Vous avez grandi en banlieue en Seine Saint-Denis (93), à l'instar de beaucoup de joueurs de foot. Cultiver cette culture vous a-t-elle aidé ou plutôt desservi ?
Cela fait partie de mon identité, à coup sûr. Je la défends mais ça dépend de ce qui est fait avec. Les médias se servent parfois à tort et à travers de ce raccourci. Ils parlent moins de ce qu'elle engendre de positif.
"On ne méritait pas d'aller à la Coupe du monde"
Vous suivez beaucoup les Bleus. Comment avez-vous vécu le Mondial 2010 ?
Il fallait s'y attendre. Forcément l'attitude m'a gêné mais il ne faut oublier de dénoncer l'hypocrisie qui entourait cette équipe depuis le départ. On se qualifie pour la Coupe du monde grâce à une main (Thierry Henry contre l'Irlande, ndlr). On a continué à soutenir cette équipe alors qu'on ne méritait pas d'aller à la Coupe du monde. On n'a pas assez insisté là-dessus. Ensuite la grève, c'était la cerise sur le gâteau. Qu'ils se qualifient ou non, ce n'était pas le plus important, mais le comportement...
Et les insultes de Nicolas Anelka ?
Je ne veux pas juger, je n'y étais pas. Je me méfie des "on dit". Les deux parties se sont exprimées, on ne saura jamais vraiment. Tout ce que je dis c'est qu'il faut assumer ce qu'on a fait.
Les Bleus ont changé de coach. Que vous inspire cette nouvelle équipe de France ?
C'est une personne que je connais bien. Laurent Blanc, un homme droit, qui sait gérer son image et celle de son groupe. D'ailleurs, il ne s'est pas fait appeler Le Président pour rien. Il faut lui laisser du temps. Aujourd'hui ça va mieux après un début difficile. De toute façon, c'est quelqu'un de bien, il ne faut pas trop lui mettre de pression et il réussira.
Cela vous agace-t-il de voir le football plus médiatisé que la boxe. Si vous étiez américain, vous seriez peut-être plus reconnu ?
Ça ne me gêne pas. En France, nous n'avons pas cette même culture du sport qu'aux États-Unis. Ce n'est pas pareil, là-bas les sportifs sont les rois. Et puis nous n'avons pas le même calendrier que les footballeurs. Nous faisons 2 voir 3 combats par an alors qu'eux jouent toutes les semaines. Ça joue en matière de popularité.
Le foot et la boxe ont aussi en commun l'argent. L'aspect financier a pris beaucoup d'importance dans le sport. Quel regard portez-vous sur le sujet ?
L'argent peut faire tourner la tête, mais ça dépend de la maturité de chacun. Sans vouloir paraitre prétentieux, j'estime avoir été mature assez tôt pour pouvoir gérer cet argent. Ensuite, il faut faire attention à ne pas se retrouver dans la page faits divers ou les magazines people. Je n'affiche pas ma vie privée dans les médias. Je ne veux pas faire de vagues.
Vous avez certainement dû suivre l'affaire Zahia...
Je ne lis pas beaucoup la rubrique people du journal. Une fois encore, il faut se méfier de ce qui est raconté, mais ce genre de choses a toujours existé. Il n'y a pas que les sportifs, les hommes politiques ont aussi eu des petits soucis. Il ne faut ni les condamner, ni les incriminer, ni les torturer.
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